Chère niña (A propos de l’atelier en Tunisie)

(Español abajo)

Chère niña,

J’ai eu la chance de faire un voyage fantastique la semaine dernière. Je suis allé à Tunis à l’invitation de Christian Ambaud, de l’Organisation internationale de la francophonie (merci!!) afin de participer à Créa numerica, une série de rencontres, conférences et ateliers qui s’inscrivait dans la programmation du Festival E-fest (super!!) organisé par Afif Riahi. Comme d’habitude lorsque je reçois des invitations du genre, je propose de donner un atelier afin de partager avec les artistes et/ou ingénieurs intéressés. C’est comme ça que Sofian Audry et moi avons donné deux conférences et trois jours d’ateliers en deux endroits. Pour les conférences, c’est assez simple, je parlais de mon travail et du programme des arts numériques à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM où j’occupe le poste de Directeur des programmes de premier cycle. J’y ai parlé de gouvernance dans l’institution et dans nos conseils des arts (plus là-dessus plus tard), de nos programmes, de notre ouverture à l’international et de l’importance du Libre dans le développement d’une culture numérique. Il s’agit de dépasser le stade de la consommation passive pour plutôt jouer un rôle actif dans l’élaboration de biens culturels.

Les ateliers se sont déroulés sur deux jours dans la cour intérieure du Palais Abdellia du quartier «la Marsa». J’y ai expliqué combien c’était émouvant de venir en Tunisie, là où le printemps arabe a débuté, et comment le mouvement étudiant québécois, que l’on a nommé «printemps érable» a été inspiré par la lutte des Tunisiens pour une plus grande liberté. Évidemment, la hausse des frais de scolarité, l’arbitraire de l’exercice du pouvoir par un gouvernement corrompu et la démonstration d’un contrôle presque total sur l’appareil médiatique pâlissent en comparaison de la répression de la révolution (qui a en fait débuté en janvier 2012 et non au printemps) par Ben Ali, sa famille et les apparatchiks au pouvoir en Tunisie. L’une des participantes a écrit le mot ‘Qannas’ sur la roue de vélo, en référence aux tireurs d’élite embusqués qui ont tué de nombreux Tunisiens qui se battaient pour leur liberté.

[Photos de Nathalie Aubret en Tunisie]

Café à Sidi Bou SaidCafé à Sidi Bou SaidCafé à Sidi Bou SaidCafé à Sidi Bou SaidCafé à Sidi Bou SaidCarpe Diem
Brèches d'une mécanique sonore, Ali Tnani (Tunisie) & Lukas Truniger (Suisse)Brèches d'une mécanique sonore, Ali Tnani (Tunisie) & Lukas Truniger (Suisse)Brèches d'une mécanique sonore, Ali Tnani (Tunisie) & Lukas Truniger (Suisse)tellement plus joli en arabeRencontres au palais AbdelliaRencontres au palais Abdellia
Rencontres au palais AbdelliaAtelier Alexandre et SofianAtelier Alexandre et SofianAtelier Alexandre et SofianAtelier Alexandre et SofianAtelier Alexandre et Sofian
Atelier Alexandre et SofianAtelier Alexandre et SofianAtelier Alexandre et SofianSillage, Cécile Beau & Nicolas Montgermont (France)

Du côté technique, j’ai expliqué comment faire de la soudure de composantes de surface avec une pâte dans laquelle l’argent est en suspension et se solidifie une fois le processus de chauffage sur la plaque chauffante terminé. C’était un nouveau processus pour presque tout le monde, mais ça marche comme un charme et c’est beaucoup moins long que de préparer les plaquettes en faisant les trous pour les composantes through hole. J’ai fait sauter les circuits de l’hôtel vers 4 heures du matin alors que mes collègues préparaient encore leurs présentations pour les conférences du lendemain (pardon, chers collègues) et que Sofian portait les caractères abjad (alphabet arabe) dans notre grille de 7 pixels par 5.

La méthode est maintenant au point et Sofian s’est enseigné l’écriture arabe de manière intensive. Avec l’aide des participants, il a réussi à obtenir de bons résultats après un peu de «débugging» des jeux de miroirs inhérents à la rencontre de codes d’écriture et de programmation autour d’une roue de vélo. Cette ouverture à la culture arabe a été bien reçue et nous apparaissait évidente. Ce n’est pas pour être chauvin (ou pour placer le Québec dans une situation de victime du colonialisme), mais disons qu’une particularité québécoise est de se montrer sensible à la question des cultures et, surtout, à la puissance d’une culture «par défaut» qui s’impose à une autre, laquelle est majoritaire mais marginalisée.  Je suis allé à une grande fête d’anniversaire hier à Montréal et pas un mot de français n’a été prononcé. Bref, j’ai été très ému lorsque, lors du second atelier, nous avons été applaudis après avoir annoncé que Sofian avait «porté» l’alphabet arabe au AGIT POV.
Tout le mérite lui revient. Il nous reste maintenant à l’adapter à la prochaine grille de 12 x 9 pixels. Ça arrivera bientôt!

Du point de vue technique, une des premières révélations marquantes de ce voyage a été de voir qu’il est impossible de commander le matériel nécessaire au travail en arts numériques depuis la plupart des pays du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Les causes en sont multiples (monnaies non reconnues à l’international, système d’importation inadéquat).
Ensemble, elles représentent un obstacle majeur à l’acquisition d’une culture numérique. J’ai donc laissé sur place le plus d’équipement possible (merci à l’OIF). Cela ne suffit évidemment pas et il est nécessaire de penser à être structurant pour tous. Nous avons donc décidé de créer un site pour l’échange d’expertise, de pédagogie, de réflexion sur l’art et la culture libre, la planification d’ateliers et pour mettre en place un service de commande que nous prenons pour acquis trop facilement.

L’autre choc a été d’apprendre que plusieurs pays ne disposent pas de réseaux électriques adéquats. Sans parler de l’alimentation en eau et des défis alimentaires et médicaux qui marquent la réalité de plusieurs pays. Il y a espoir justement de permettre un développement par l’appropriation des moyens de production et du savoir-faire locaux, ce qui offrira un meilleur paradigme de développement que celui, familier et tragique, normalement lié au principe de «l’aide internationale» et qui se résume trop souvent à des subsides aux industries des pays riches ou qui est consentie en contrepartie de l’accès aux ressources des pays qui en «bénéficient».

L’une des discussions les plus intéressantes du cycle de conférences a été la révélation de l’arbitraire avec lequel les fonds disponibles sont distribués (ou non) par les acteurs politiques dans les pays qui n’ont pas de conseil des arts ou l’équivalent. Comme notre propre exemple, dans lequel les artistes se sont donné dès les années 70 des structures démocratiques, par l’octroi par les pairs des fonds publics destinés à l’art. Ce système, qui permet la mise à distance du politique, quoique loin d’être parfait et tout à fait à l’abri des volontés politiques, est présentement tout de même un modèle qui peut servir à d’autres communautés. Il est évident qu’il faut se garder des pièges du colonialisme en voulant imposer des structures et un mode de
fonctionnement qui seraient foncièrement non adaptés aux réalités d’un pays. Mais la manière dont la société civile, dont les artistes, a demandé la mise en place de structures plus démocratiques pour l’attribution de fonds a fait en sorte que la culture a pu être le jeu de rencontres de divers points de vue et, ainsi, permettre l’échange qui est le sien. Cet échange peut être parfois rude, choquant, difficile et même pénible. Mais c’est la condition préalable à la rencontre de l’ensemble de la société civile dans la culture.

* Merci à Hathe Ounis du hackerspace de Tunis qui m’a prêté son vélo pendant quelques jours, ce qui nous a permis de tester le AGIT POV. Merci aussi à Abdo Nawar et M. Salah Malouli pour la documentation. + Mari pour l’édition et le site web

tunis_sofian_mahdy_FSTtunis_clltunis_agit_pov_nathalie_aubret

/// Versión en español

Querida niña,

Tuve la oportunidad de hacer un viaje fantástico la semana pasada. Viajé a Túnez por invitación de Christian Ambaud de La Organización internacional de la francofonía (gracias!!) con el propósito de participar en Crea Numerica, una serie de encuentros, conferencias y talleres inscritos en la programación del festival E-Fest (super!!) organizado por Afif Riahi. Como de costumbre, cuando recibo invitaciones como esta, me propongo donar talleres para compartir con artistas y/o ingenieros interesados. Es así como Sofian Audry y yo dimos dos conferencias y tres días de taller en dos lugares. En cuanto a las conferencias es bantante simple, yo hablé de mi trabajo y del programa de artes numéricas en la Escuela de artes visuales y mediáticas de la UQAM donde ocupo el puesto de Director del programa del primer ciclo. Hablé de la gobernabilidad de nuestra institución y de nuestro consejo de las artes (más tarde), de nuestros programas, de nuestra apertura a lo internacional y de la importancia de lo Libre en el desarrollo de una cultura digital para pasar de un estado de consumo pasivo a jugar un rol activo en la elaboración de bienes culturales.

Los talleres se llevaron a cabo en dos días en el patio interno del Palacio Abdellia del barrio «la Marsa». Yo expliqué cuán conmovedor fue viajar a Túnez allí donde la primavera árabe comenzó y comenté el movimiento estudiantil quebequese que nombramos «primavera érable» y que estuvo inspirado en la lucha de los tunecinos por una mayor libertad. Evidentemente la huelga del aumento de las matrículas, el ejercicio arbitrario del poder de un gobierno corrupto y la demostración de un control casi total sobre el aparato mediático palidece en comparación con la represión de la revolución (que de hecho comenzó en enero 2012 y no en la primavera) por Ben Ali, su familia y los burócratas en poder en Túnez. Uno de los participates escribió la palabra ‘Qannas’ en la rueda de la bicicleta, refiriéndose a los francotiradores que mataron a numerosos tunecinos que luchaban por su libertad.

Del lado técnico yo expliqué cómo hacer la soldadura de componentes en la superficie de la placa con una pasta en la que la plata esta en suspención y se solifdiica una vez que el proceso de calentamiento sobre la placa se termina. Este fué un proceso nuevo para casi todos, pero funciona a las mil maravillas y es mucho más rápido que preparar placas para hacer agujeros para componentes through hole. Soldé los circuitos en el hotel hasta las 4 de la mañana mientras mis colegas preparaban sus presentaciones de las conferencias del día siguiente (perdón, queridos colegas) y Sofian aportó los caracteres abjad (alfabeto árabe) en nuestra cuadrícula de 7 por 5 pixeles. El método está en desarrollo actualmente y Sofian aprendió la escritura árabe de manera intesiva. Con la ayuda de los participantes él ha conseguido buenos resultados después de un poco de «débugging» inherente en el efecto de espejo en el encuentro de códigos de escritura y programación en torno a una rueda de bicicleta.

Esta apertura a la cultura árabe  fué bien recibida y nos parecía evidente. No es por ser chauvinista (o por situar a Québec en una situación de víctima del colonialismo), pero hay que decir que una particularidad quebequense es mostrarse sensible a  cuestiones culturales y, sobre todo, frente al poder de una cultura «por defecto» que se impone a otro que es mayoría pero marginalizado. Ayer fuí a una gran fiesta de aniversaro en Montréal y ninguna palabra en francés se pronunció. De todas formas yo estaba muy emocionado cuando, durante el segunto taller, fuímos aplaudidos después de haber anunciado que Sofian había realizado el alfabeto árabe para AGIT POV.  Todo el mérito es para él. Ahora nos resta adaptar la próxima cuadrícula de 12 por 9 pixeles. Vendrá pronto!

Desde el punto de vista técnico, una de las primeras revelaciones importantes de este viaje ha sido ver que es imposible acceder al material necesario para el trabajo en artes numéricas en la mayor parte de los países de Magreb y del África subsahariana. Las causas son múltiples (monedas no reconocidas en el mercado internacional, sistema de importación inadecuada). En conjunto representan un obstáculo mayor en la adquisición de una cultura digital. Yo dejé allá todo el equipamiento posible (gracias a la OIF). Esto evidentemente no es suficiente pero es necesario pensar estructuradamente para todos. Hemos decidido crear un sito para el intercambio de conocimientos, pedagogía, reflexiones sobre el arte y la cultura libre, la planificación de talleres y para llevar a cabo un servicio de pedidos de herramientas que nosotros podemos conseguir facilmente.

Otro choque fue saber de muchos países que no disponen de redes eléctricas adecuadas, sin hablar del agua, la alimentación y medicamentos que faltan en muchos países. Hay esperanza justamente de permitir un desarrollo para la apropiación de los medios de producción y de saber-hacer locales, que ofrecerá un mejor paradigma de desarrollo que ese familiar y trágico, normalmente ligado al principio de la «ayuda internacional» y que se resume con frecuencia a los subsidios de las industrias de países ricos o se concede a cambio del acceso a los recursos naturales  de los países «beneficiados».

Una de las discusiones más interesantes del ciclo de conferencias fué la revelación de la arbitrariedad con la que los fondos disponibles son ditribuidos (o no) por los actores políticos en los países que no cuentan con un consejo para las artes o un equivalente. Como nuestro propio ejemplo en el que a los artistas se les ha dado, desde los años 70, estructuras democráticas mediante la concesión de fondos públicos dedicados al arte. Este sistema que permite  poner distancia a la influenica política, aunque lejos de ser perfecta y completamente libre de voluntades políticas, en la actualidad todavía puede ser un modelo que puede servir a otras comunidades. Es evidente que hay que cuidarse de las trampas de colonialismo en la voluntad de imponer estructuras y un modo de proceder que no son adaptados a las realidades de un país. Sin embargo la forma en que la sociedad civil, incluidos los artistas, demandan establer estructuras más democráticas para la asignación de fondos ha hecho que la cultura pueda ser el juego de encuentros de diversos puntos de vista y también de permitir el intercambio que es. Este intercambio puede ser algunas veces rudo, chocante, difícil e incluso doloroso, pero es una condición previa para el encuentro de toda sociedad civil en la cultura.

* Gracias a Hathe Ounis del hackerspace de Túnez que me prestó su bicicleta durante algunos días, lo que nos permitió testear el AGIT POV. Gracias también a Abdo Nawar y M. Salah Malouli por la documentacion. + Mari por la edición y el sitio web.

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